Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 : déclaration de l’U2P

Visuel U2P

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, qui fixe notamment l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, est actuellement examiné par l’Assemblée nationale. Il a été soumis pour avis aux différentes caisses nationales de Sécurité sociale (Urssaf caisse nationale, Cnav, Cnaf, Cnam, Catmp, Cnsa et Cpsti). Voici l’intervention de l’U2P au sein de ces différentes instances sur le projet de loi.

Lors de son discours de politique générale, le 1er octobre, le Premier ministre a insisté sur le fait que nous devions faire beaucoup, avec peu, en partant de presque rien, et qu’il nous fallait renoncer à l’argent facile.
Cet objectif, dans l’absolu, l’U2P pouvait le partager compte tenu de la dette financière colossale de la France de plus de 3 000 Mds€, et une charge d’intérêts qui s’élèvent pour le budget de l’Etat à 51 Mds€ par an. La France est au bord du précipice, avec un déficit public qui devrait dépasser 6% de notre PIB en 2024.

Faible croissance économique, perte de compétitivité, recul de productivité participent à l’explication du dérapage des déficits : des recettes moindres qu’escomptées en dépit de la bonne tenue des salaires et de l’emploi encore. Mais surtout une progression des dépenses supérieure aux prévisions.
Cette situation financière est inédite, dans un contexte politique tout autant inédit et une situation économique morose. Notre pays a atteint un point financier négatif névralgique, qui ébranle la confiance des chefs d’entreprise, en particulier des plus petites d’entre elles, mais aussi plus largement l’ensemble des français.

Ce PLFSS est l’une des inconnues qui pèse le plus lourd dans l’équation budgétaire du Gouvernement puisque la protection sociale représente plus de la moitié de la dépense publique. 

La présentation faite en Commission des comptes de la Sécurité sociale le 14 octobre dernier a, comme pour le budget de l’État, fait état de perspectives nettement dégradées pour les comptes sociaux, en raison de recettes plus faibles qu’attendu et de certaines dépenses qui ont poursuivi leur progression.
Le déficit pour 2024 atteindra 18 Md€, contre 10,5 Md€ initialement programmés dans le budget adopté l’année dernière au Parlement et déjà revus à la hausse à plus de 16 Md€ en mai dernier par la Commission des comptes de la Sécurité sociale. Et pour 2025, ce sont 16 Md€ de déficit qui sont prévus.

Certes, la situation est contrastée entre les différentes branches. Pour certaines d’entre elles, le redressement constaté apparait toutefois provisoire. Le déficit de la branche maladie reste très élevé à plus de 13 Md€, tandis que celui de la branche vieillesse, 6,3 Md€ en 2024, atteindrait encore plus de 6Md€ à l’horizon 2028, les effets de la réforme votée au printemps 2023 montant en charge jusqu’en 2032. 
Avec la reconstitution des déficits, la perspective d’extinction de la Cades en 2033 apparait de moins en moins crédible, qui plus est dans une période où les taux d’intérêt ont augmenté. La dette restant à amortir s’élève à 137,9 Md€.
Ce PLFSS est essentiellement axé sur l’assurance maladie. Il est vierge de toute mesure concernant la branche Famille. La branche vieillesse n’est concernée que par le décalage au 1er juillet 2025 de la revalorisation des pensions. Pour la branche ATMP si on salue la transposition fidèle du travail paritaire à l’article 24, on conteste une nouvelle fois le montant du reversement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des ATMP fixé à 1,6Md€ en 2025 et qui sera ensuite porté progressivement à 2Md€, alors même que l’excédent de la branche est divisé de moitié en 2024 et qu’il deviendrait négatif à compter de 2026.

Ce PLFSS n’est pas à la hauteur de la situation critique de nos comptes sociaux. Ou plus exactement, comme le projet de loi de finances, il mobilise des leviers qui vont provoquer des dégâts importants pour les entreprises avec par ricochet des impacts sur l’emploi, la consommation et donc la croissance.
Peut-être de façon naïve nous avions cru comprendre que pour les 2/3, l’effort de redressement budgétaire annoncé par le Premier ministre devait venir de la réduction des dépenses de l’Etat, le dernier tiers de l’effort provenant d’une participation demandée aux seules grandes et très grandes entreprises qui réalisent des profits importants et une contribution exceptionnelle aux Français les plus fortunés.

Mais c’est bien connu, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. L’U2P est une organisation responsable. L’obligation de redresser les comptes publics, elle la partage. Mais pour l’U2P il faut faire des réformes de fond, pas faire les poches des petites entreprises en récupérant quelques milliards :

sur les exonérations de cotisations sociales, avec au passage l’intégration dans le calcul de la réduction générale de la prime de partage de la valeur,
sur les modifications des règles d’indemnisation des arrêts de travail qui vont se traduire par un transfert de charges vers les entreprises, 
sur le transfert vers les complémentaires santé d’une fraction des remboursements des consultations médicales avec à la clé une hausse du coût des contrats pour les entreprises, 
mais aussi sur la réduction des aides à l’apprentissage prévue par le PLF à laquelle s’ajoutent l’inclusion du salaire versé au titre du contrat d’apprentissage dans l’assiette de la CSG et CRDS et le passage de 70% à 50% du SMIC du seuil d’exonérations de cotisations sociales pour ce même salaire, etc. 

Il est regrettable que le Gouvernement n’ait lu qu’une partie du rapport BOZIO-WASMER. Nous l’encourageons à le lire jusqu’au bout, en particulier la question de fond qu’il pose : celle de savoir si le mode de financement de la protection sociale, dans son ensemble, est encore adapté à ses objectifs d’emploi, de salaires élevés et permet d’apporter suffisamment de ressources à la protection sociale.

Ce rapport met en exergue, sans surprise, que le système est d’une complexité redoutable, avec des barèmes, des assiettes et des taux de cotisations multiples et enchevêtrés, et qu’il conviendrait de repenser l’architecture des prélèvements, de les rendre plus compréhensibles pour le citoyen et au passage de favoriser leur acceptation.

Là se situe la vraie voie d’un vrai redressement. Ce n’est pas la voie empruntée par ce PLFSS qui n’est pas un projet de loi de redressement, mais un projet de loi de matraquage. Le Chef du Gouvernement avait annoncé “un chemin de réalisme et d’action qui passe par le contrat plutôt que la contrainte pour restaurer la confiance”. La contrainte a manifestement pris le pas sur le contrat.

C’est un fâcheux message en termes de restauration de la confiance. L’U2P émettra en conséquence un vote défavorable.