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Économie - Environnement

Tribune du Président de l’U2P, Alain Griset : Il faut sauver l’entrepreneuriat français (Lettre ouverte aux candidats aux élections présidentielle et législatives)

28 avril 2017 Déclaration
A l'heure des choix cruciaux pour notre pays, le président de l'U2P Alain Griset a publié le 26 avril sur Le Monde.fr une lettre ouverte à l'adresse des candidats aux élections présidentielle et législatives afin de les alerter sur les dangers d'une « uberisation » incontrôlée de l'économie.
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Faut-il établir un revenu universel pour compenser l’impuissance de la France à créer un nombre suffisant d’emplois ? Le débat politique s’est emparé de cette question, à notre avis abusivement.  En effet la question prioritaire n’est pas la raréfaction du travail ni les moyens d’y faire face mais bien plutôt la transformation du travail.

Il est vrai que la robotisation et la numérisation accélérées remettent en cause le salariat tel qu’on le concevait au XXème siècle. 200.000 postes de secrétaires ont disparu en France depuis les années 1990 et les embauches en CDI ne sont plus la règle mais l’exception. Pourtant d’autres formes de travail viennent en substitution, le contrat à durée déterminée, l’intérim, le travail partagé, le télé travail, et singulièrement le travail non salarié dont la progression est constante depuis la création en 2008 du régime de l’autoentrepreneur devenu celui de la microentreprise, et plus récemment avec la hausse de 10% des créations d’entreprises individuelles (hors microentreprises) selon l’INSEE en 2016.

Il faut se féliciter de ce regain d’intérêt pour l’entrepreneuriat dans notre pays même s’il résulte pour partie du phénomène d’augmentation des créations d’entreprises par des chômeurs en période de crise.  Pour autant il est porteur d’avenir car chaque nouvelle entreprise est la promesse de création de richesses et d’emplois. Nous qui rassemblons les entreprises artisanales, commerciales et libérales, soit les deux tiers des entreprises françaises, sommes convaincus que le pays retrouvera le chemin de la croissance si les prochains gouvernants prennent les mesures concrètes qu’attendent les chefs d’entreprise et bien souvent les salariés.

Malheureusement la dynamique entrepreneuriale française est menacée par l’ombre portée par quelques géants mondiaux et autres plateformes dites collaboratives. Bénéficiant de lourds investissements, les plateformes ont fait un hold up sur les activités qu’elles ciblaient en pratiquant des prix inférieurs aux prix du marché et en éliminant ainsi la concurrence.  

Initialement centrée sur les activités de conseil, l’ubérisation a progressivement investi les secteurs du transport de particuliers, de l’hébergement, de la restauration et grâce à la numérisation de l’économie, se généralise aujourd’hui à la plupart des activités de proximité. On pourra bientôt commander en ligne une visite de médecin à son domicile en un temps record, une partie du montant de la prestation alimentant les revenus de personnes totalement étrangères à la médecine.

Parmi les victimes de ces changements figurent les travailleurs non-salariés. Ces travailleurs indépendants d’un nouveau genre, le plus souvent installés sous le régime de la micro-entreprise, déclarent travailler 70 H par semaine pour gagner à peine le SMIC. Cette forme de travail ressemble à s’y méprendre à celui des tâcherons du XIXème siècle, et ne leur donne pas accès aux principaux droits sociaux accordés aux salariés.

Les plateformes ont peu ou prou déstabilisé tout le marché qu’elles ont investi, provoquant des licenciements voire des cessations d’activité dans les entreprises préexistantes, accélérant la baisse des effectifs salariés du pays et prolongeant les déficits des comptes sociaux.

Que demandons-nous ? Ecartons d’office le procès en corporatisme et en ringardisme que nos contradicteurs utilisent trop souvent. Les entreprises de proximité sont les premières à pratiquer l’innovation, qu’elle soit technique, commerciale ou sociale. Elles s’inscrivent aussi totalement dans la mondialisation même si leur territoire naturel est la proximité. Sait-on par exemple qu’un tiers des entreprises qui exportent sont artisanales ?

Non, les chefs d’entreprise de proximité ne veulent pas construire des murs pour arrêter le vent. Ils préfèrent bâtir des moulins pour l’utiliser. Ils s’emparent des atouts de la transition numérique, de la transition écologique et des évolutions démographiques pour développer leurs business.

Ce qu’ils refusent c’est de participer à une course avec des boulets aux pieds tandis que leurs concurrents sont totalement libres de leurs gestes. Ce qu’ils réclament c’est que les mêmes règles fiscales, sociales et juridiques s’appliquent à tous les acteurs d’un même secteur économique.

Pour l’heure, les plateformes profitent des lenteurs de la justice. Malgré quelques premières décisions requalifiant en contrat de travail les prestations de travailleurs non-salariés et exigeant le versement de plusieurs mois de salaire à la personne lésée, nous restons dans une situation de quasi western dans laquelle le droit n’est pas respecté.

Votre responsabilité vous qui êtes candidats, est de prendre parti. Depuis une décennie, des responsables politiques ont cru à la solution miracle de l’auto-emploi pour tous. Et vous ?

Saurez-vous encourager l’entrepreneuriat français en redéfinissant le statut juridique et la couverture sociale des travailleurs non-salariés ? Ou laisserez-vous se développer une forme d’anarchie économique dans le vain espoir que des opérateurs lointains créeront richesses et emplois dans nos banlieues ?

Nous voulons que la France mise sur l’entreprise, toutes les entreprises, sans favoriser les unes par rapport aux autres, ni  les ETI par rapport aux PME ni la grande industrie par rapport aux entreprises de proximité. Toutes sont nécessaires au renforcement de la croissance. Nous voulons que notre système de protection sociale soit repensé mais non pas réduit à la portion congrue par un nombre toujours plus faible de contributeurs.

Nous attendons que vous vous empariez de ces questions, que vous entendiez nos demandes, et que vous présentiez vos solutions pour sécuriser et développer durablement  cet entrepreneuriat français.   

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